Téléthon : une polémique pour rien?

Pierre BergerC’est le pavé dans la mare! Pierre Bergé, célèbre mécène et président du Sidaction, n’y est pas allé de main morte en accusant le Téléthon de « parasiter la générosité des Français ». Réactions évidemment vigoureuses de l’Association française contre les myopathies (AFM) et des politiques quasi unanimes pour dénoncer les propos incendiaires de Pierre Bergé, lancés, faut-il le rappeler, deux semaines avant l’édition 2009 (4 et 5 décembre prochains) du Téléthon.

Question: Pierre Bergé a-t-il eu raison de donner un aussi vigoureux coup de pied dans la fourmilière?  Pas facile de répondre…  Côté gros sous, on se souvient que les démélés judiciaires de l’ARC ont affecté durablement la bonne santé  et surtout la réputation du  « charity business » à la française. Les sommes en jeu sont en effet considérables: l’AFM a collecté 122,8 millions d’euros en 2008, dont 104,9 imputables au Téléthon. A  titre de comparaison, le Sidaction n’a récolté que 18,1 millions d’euros, dont 6,23 provenant de son opération médiatique éponyme. Le Sidaction est un nain médiatique si on le compare au Téléthon.

Pourquoi? Les seuls éléments de jugement sont, là encore, d’ordre médiatique car la pandémie du sida est autrement plus meurtrière que la myopathie. Mais voilà: la myopathie relève de la génétique et suscite  donc un sentiment  d’injustice compassionnelle beaucoup plus fort que le sida qui, lui, semble avoir épuisé ce registre. Toujours au chapitre financier, les résultats sont donc sans appel. Et jusqu’alors incontestés: personne ne met en cause la rigueur de la gestion des fonds collectés par les associations-phare de la bienfaisance. Même si Pierre Bergé évoque des investissements immobiliers réalisés avec le surplus des sommes collectées, l’AFM peut répondre en toute franchise et dissiper immédiatement le moindre malentendu. La leçon de l’ARC a porté ses fruits.

Sur terrain de l’empathie, là aussi la lutte est inégale: le Téléthon est autopromu par des figures de proue populaires et sympathiques: il est organisé partout, même dans les villages les plus reculés où il prend des allures d' »Intervilles » moderne et… généreux. Le sida, si l’on peut dire, ne peut pas lutter car, comme l’a intelligemment dit  Valérie Pécresse, ministre de la Recherche: « on s’intéresse moins à la question du sida parce qu’on la croit résolue ». La messe est dite. La « sortie » de Pierre Bergé, mécène polyforme -il est le principal financeur de Ségolène Royal, mais aussi de Vincent Peillon-, est probablement maladroite, mais elle relève surtout d’une grosse erreur de casting: s’il est en effet le président du Sidaction, Pierre Bergé n’est connu des Français qu’en raison de sa fortune. Par ce fait, en pourfendant le Téléthon dont la popularité semble inattaquable, il occupe un terrain médiatique où il n’a rien à faire: une déclaration du même ordre, faite par un autorité médicale un peu pète-feu -ça ne manque pourtant pas!- aurait incontestablement fait mouche. Morale de l’histoire: dans le registre médiatique et surtout compassionnel, l’habit fait encore le moine.

Hervé KARLESKIND
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