Maladies rénales chroniques : un nouveau médiateur pour prédire la progression
Ce mois-ci dans The Journal of Clinical Investigation, des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes révèlent la découverte d’un nouveau médiateur de la progression des maladies rénales chroniques. Il s’agit d’une protéine de transport sécrétée par le rein qui accélère la dégradation rénale. La mesure de son excrétion dans les urines est susceptible de prédire l’évolution de la maladie chez l’Homme, un enjeu majeur pour les personnes atteintes de ces maladies silencieuses dont le diagnostic est souvent tardif.
Les maladies rénales chroniques (MRC) se caractérisent par l’atteinte progressive de la fonction du rein. Les reins ont plusieurs fonctions essentielles à l’équilibre de l’organisme : l’élimination des déchets toxiques dans les urines, le contrôle de l’équilibre hydrique et minéral, la sécrétion d’hormones, d’enzymes et de vitamines. Ces fonctions sont assurées par les unités fonctionnelles du rein, les néphrons. En entraînant progressivement la réduction du nombre de néphrons fonctionnels, les MRC aboutissent à une insuffisance rénale terminale, pour laquelle il n’existe à ce jour aucune thérapie efficace en dehors de la dialyse et de la transplantation rénale.
Fabiola Terzi et ses collaborateurs de l’unité mixte de recherche « Centre de Recherche Croissance et Signalisation » (Inserm 845, Université Paris Descartes) se sont penchés sur l’étude des mécanismes moléculaires peu connus de la progression des MRC. En utilisant deux souches de souris réagissant différemment à la réduction du nombre de néphrons, ils ont montré que le gène codant la Lipocaline 2 (Lcn2) joue un rôle essentiel dans la progression de la maladie. En effet, la protéine Lcn2 s’exprime plus fortement dans la souche développant des lésions rénales sévères et son expression est liée à l’intensité des lésions. Plus importante encore, l’équipe a montré que l’inactivation du gène Lcn2 prévient la progression des lésions rénales lors d’une réduction du nombre de néphrons.
L’équipe de Fabiola Terzi a élucidé la voie moléculaire par laquelle la Lcn2 conduit à la destruction du rein. Lcn2 est un acteur-clé de la voie de signalisation activée par le récepteur d’un facteur de croissance, l’EGFR, connu pour favoriser la progression des MRC. L’activation de ce récepteur induit la production de la protéine Lcn2 qui, à son tour, agit comme médiateur en favorisant la prolifération cellulaire qui précède le développement de lésions rénales et la formation de kystes.
Chez l’homme, les chercheurs ont montré que cette protéine est aussi produite en quantité anormalement élevée dans le rein des malades atteints de MRC et que sa présence dans les urines est étroitement associée à la progression rapide vers l’insuffisance rénale terminale. Pour Fabiola Terzi et ses collaborateurs, il s’agit « d’une découverte très importante pour les patients atteints de MRC car l’excrétion urinaire de ce médiateur est capable de prédire l’évolution de la maladie. »
Cette avancée est d’autant plus essentielle pour les malades, que la plupart des patients atteints de MRC ignorent leur maladie : elle ne provoque généralement aucun symptôme perceptible avant un stade avancé et à ce jour, il n’existe pas de véritables traitements contre la progression des MRC. Les auteurs envisagent à terme de valider ces premières données par un essai clinique qui pourrait aboutir à la mise en œuvre de cet outil pour la détection et le suivi des maladies rénales chroniques.
Source : Inserm
« Lipocalin 2 is essential for chronic kidney disease progression in mice and humans »
Amandine Viau(1), Khalil El Karoui(1), Denise Laouari(1), Martine Burtin(1), Clément Nguyen(1), Kiyoshi Mori(2), Evangéline Pillebout(1), Thorsten Berger(3), Tak Wah Mak(3), Bertrand Knebelmann(1), Gérard Friedlander(1), Jonathan Barasch(2) and Fabiola Terzi(1)
(1) Inserm U845, Centre de Recherche « Croissance et Signalisation », Université Paris Descartes, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris, France.
(2) Department of Medicine, Columbia University, New York, New York, USA
(3) The Campbell Family Institute for Cancer Research, University Health Network, Toronto, Ontario, Canada.
Paru dans le numéro d’octobre 2010 de The Journal of Clinical Investigation
http://www.jci.org/articles/view/42004