Deux sous-populations de cellules souches identifiées dans les muscles squelettiques
Chez l’adulte, chaque organe possède des cellules souches spécifiques, capables de le régénérer en cas de besoin. Mais ces cellules souches sont loin d’être toutes identiques: les chercheurs de l’Institut Pasteur viennent de décrire deux populations qui composent les cellules souches des muscles squelettiques chez la souris. Cette découverte, publiée récemment dans Cell, ouvre la voie à d’importantes avancées en recherche fondamentale mais aussi thérapeutique, et éventuellement en cancérologie.
Dans les conditions normales nos mucles sont au repos et donc nos cellules souches de muscles squelettiques sont dites « quiescentes ». En revanche, suite à une activité physique ou à un traumatisme, les cellules souches se réveillent et entrent en action pour régénérer le muscle endommagé. Cependant toutes les cellules souches ne sont pas équivalentes: chez la souris, deux sous-populations de cellules souches de muscle squelettique exprimant le marqueur Pax7 viennent d’être caractérisées. Les cellules souches dites Pax7-low (car elles contiennent une faible quantité de la protéine Pax7) se divisent pour produire des cellules-filles de muscle squelettique et ainsi réparer la blessure. Les cellules souches dites Pax7-high (car elles contiennent une grande quantité de la protéine Pax7), quant à elles, se divisent pour produire en même temps des cellules souches et des cellules différenciées de muscle.
Le processus de division des cellules souches Pax7-high est dit “asymétrique” car chaque cellule donne naissance à deux cellules-filles différentes. Ce type de division particulier permet de maintenir la population de cellules souches à un niveau viable, tout en réparant le muscle blessé. Il implique que l’ADN se sépare également de manière asymétrique: c’est à dire que la totalité de l’ADN initialement présent dans la cellule souche migre dans la cellule-fille souche, alors que la totalité de l’ADN copié migre dans la cellule-fille de muscle squelettique.
“La mise en évidence de ces deux sous-populations de cellules souches, dont les comportements sont différents en cas de traumatisme dans le muscle squelettique est un pas en avant très important,” explique le Pr Shahragim Tajbakhsh, chef de l’unité Cellules souches et développement à l’Institut Pasteur. “Notre compréhension de plus en plus fine du rôle et des mécanismes liés aux cellules souches pourrait avoir des conséquences importantes en recherche fondamentale comme pour de futures innovations thérapeutiques.”
Les scientifiques ne savent pas encore pourquoi certaines cellules souches se divisent de façon asymétrique alors que d’autres le font de façon symétrique. Il apparait néanmoins que ce premier mode de division permet de maintenir une population stable de cellules souches dont les brins anciens d’ADN sont conservés. Deux hypothèses peuvent alors être avancées: tout d’abord qu’il s’agit d’une protection contre les erreurs de copie de l’ADN, ou qu’un message spécifique est associé à l’ADN d’origine qui permet d’orienter le destin des cellules-filles.
D’autre part, les chercheurs ont demontré que les gènes ayant un rôle prépondérant dans la division asymétrique sont souvent également des suppresseurs de tumeurs. Cette convergence entre les études sur les cellules souches normales, et les cellules souches « cancéreuses » nécessitera encore de nombreuses expérimentations pour être totalement éclairci, mais ces observations ouvrent déjà des perspectives passionnantes pour les chercheurs.
Pour finir, la caractérisation de ces deux sous-populations de cellules souches pourrait également être une base cruciale pour de potentielles applications en recherche biomédicale. En effet, l’identification de Pax7 comme un marqueur qui distingue ces deux populations permet de les isoler pour ensuite en obtenir des cultures homogènes. De telles cultures sont indispensables pour étudier l’information qui est retenue dans les brins anciens d’ADN lors de la séparation asymétrique, ainsi que pour élucider le mécanisme qui les sélectionne pendant la division cellulaire.
Source : Institut Pasteur
A subpopulation of adult muscle stem cells retains all template DNA strands after cell division – Cell – January, 19, 2012 ; Pierre Rocheteau1, Barbara Gayraud-Morel1, Irene Siegl-Cachedenier 2*, Maria Blasco2, and Shahragim Tajbakhsh1*
(1) Institut Pasteur, Stem Cells & Development, 2CNRS URA 2578, 25 rue du Dr. Roux, Paris, F-75015, France;
(2) Telomeres and Telomerase Group, Molecular Oncology Programme, Spanish National Cancer Centre (CNIO), Melchor Fernández Almagro, 3, 28029 Madrid, Spain