Sida : trois régions du génome identifiées dans le contrôle de la maladie
Une avancée vient d’être réalisée dans la recherche sur le sida grâce au séquençage d’une partie du génome de patients infectés par le VIH. Des équipes de recherche françaises ont identifié pour la première fois trois régions du génome impliquées dans la réplication du VIH et dans la constitution du réservoir viral.
De précédentes études ont montré que certains gènes influencent la progression de la maladie dans l’organisme. Par exemple, une mutation sur un gène codant pour un récepteur au virus à la surface des cellules de l’hôte, CCR-5, peut en ralentir l’évolution. Mais ces études se limitaient jusque-là à l’étude de gènes très ciblés. Depuis 2007, les possibilités de séquençage du génome humain se sont accrues. Ainsi, une plate-forme de génotypage à haut débit permet d’accéder à des centaines de milliers de séquences du génome d’un grand nombre de personnes. Fruit d’une collaboration entre l’ANRS, l’Inserm et les Universités Paris VI et Paris XI, cette plate-forme détermine, sur une large échelle, des caractéristiques génétiques possiblement associées à l’évolution de la maladie et à la réponse aux traitements. Les chercheurs ont utilisé cette plate-forme afin d’établir, pour la première fois, les liens existants entre certaines régions du génome et le contrôle de la réplication virale.
Ces travaux réalisés dans le cadre du programme de recherche « Génomique » ont été financés par l’ANRS . Les chercheurs ont analysé le profil génétique de 605 personnes récemment infectées par le VIH au sein de la cohorte ANRS Primo CO 06 et ont suivi l’évolution de leur maladie grâce à deux indicateurs : l’ARN viral plasmatique et l’ADN viral présent dans les lymphocytes. L’ARN viral correspond au nombre de virus circulants, c’est à dire à la charge virale. Le fait de mesurer sa quantité permet d’évaluer l’activité de réplication du virus et son contrôle par l’organisme humain.
Quant à l’ADN viral, il indique le niveau du réservoir viral, c’est à dire du stock de virus demeurant à l’intérieur des cellules du malade. Le virus s’intègre en effet dans le génome des cellules de l’hôte sous forme d’ADN et peut y rester des années à l’état latent avant de se réactiver. Ce réservoir persiste au cours du temps, même sous trithérapie active. « Il est important d’apprendre à mieux connaître ces deux mécanismes car ils peuvent être indépendants chez les patients et provoquer, l’un ou l’autre, l’aggravation de la maladie. C’est pourquoi nous avons voulu déceler les séquences génétiques susceptibles de réguler la réplication virale d’une part et la constitution du réservoir d’autre part », précise Ioannis Theodorou (CHU Pitié-Salpétrière, Inserm U543).
Les chercheurs ont analysé les liens pouvant exister entre les variations génétiques trouvées chez les patients de la cohorte ANRS Primo CO 06 et les quantités d’ARN viral et d’ADN viral 2 correspondantes. Trois régions du génome humain ont été identifiées comme ayant une influence sur l’un des deux mécanismes étudiés : une région située sur le chromosome 6 (en particulier le complexe majeur d’histocompatibilité1), et deux régions situées sur les chromosomes 8 et 17. La première région est associée à un faible taux d’ARN viral lors de la primo-infection, traduisant un bon contrôle de la réplication virale par l’organisme. Les deux autres régions situées sur les chromosomes 8 et 17 sont, elles, associées à un taux d’ADN viral bas, c’est à dire à une constitution lente du réservoir.
C’est la première fois qu’une étude de ce type identifie des nouvelles régions génomiques influençant l’intégration du virus dans les cellules humaines. Des résultats similaires sont rapportés chez les patients dits «contrôleurs du VIH», étudiés dans la cohorte ANRS EP36. Ces patients sont infectés depuis plus de dix ans mais ne développent pas la maladie. Ils contrôlent spontanément leur charge virale, sans traitement, et leur quantité d’ADN viral est très faible.
Ces 3 régions du génome contiennent des gènes polymorphes qui diffèrent d’un individu à l’autre et dont les mutations peuvent entraîner des changements soit dans l’expression soit dans la structure des protéines qui sont à l’origine du contrôle de la réplication et de l’intégration virale. « L’objectif est maintenant d’identifier les gènes en cause, leurs fonctions et d’éventuelles mutations, explique le Pr Jean-François Delfraissy, Directeur de l’ANRS.
Sources :
Distinct Genetic Loci Control Plasma HIV-RNA and Cellular HIV-DNA Levels in HIV-1
Infection: the ANRS Genome Wide Association 01 Study. PLoS ONE : http://dx.plos.org/10.1371/journal.pone.0003907