Tuberculose : un vaccin expérimental prometteur
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec une équipe italienne, viennent de publier dans la revue PLOS Pathogens (*) une étude décryptant les mécanismes d’action d’un vaccin expérimental contre la tuberculose aux résultats prometteurs.
En usage depuis près d’un siècle, le BCG est à l’heure actuelle le seul vaccin approuvé, mais son efficacité demeure limitée, et sa protection s’atténue avec le temps. Dans le contexte actuel d’émergence de cas de tuberculose chez les adultes en lien avec l’épidémie de VIH et de la multi-résistance accrue des souches bactériennes, l’élaboration d’un nouveau vaccin, plus efficace, constitue donc une priorité de santé publique mondiale. Cette étude s’inscrit dans le cadre du consortium européen TBVAC2020.
Les mycobactéries possèdent une enveloppe cellulaire très dense et doivent utiliser des systèmes de transport complexes appelés ESX pour permettre aux protéines de traverser cette barrière. Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la tuberculose, possède trois de ces systèmes : ESX-1, ESX-3 et ESX-5. Les souches dépourvues de ces systèmes sont incapables de provoquer la maladie, ce qui souligne leur rôle crucial. La souche du BCG, par exemple, est en fait une version de Mycobacterium bovis atténuée, rendue non virulente par plusieurs modifications génétiques, dont une entraînant l’absence d’un système ESX-1 fonctionnel.
A l’Institut Pasteur, Laleh Majlessi, au sein de l’unité Pathogénomique mycobactérienne intégrée, dirigée par Roland Brosch, en collaboration avec Daria Bottai de l’Université de Pise (Italie) s’intéresse dans une perspective vaccinale à une souche atténuée de M. tuberculosis, récemment construite. Celle-ci est déficiente pour cinq protéines transitant par le transporteur ESX-5. Les protéines en question sont des facteurs de virulence et participent à la pathogénicité de la bactérie. Elles appartiennent à la grande famille des protéines PE/PPE, qui en compte plus de 160, très similaires les unes aux autres.
Afin de mieux comprendre le mode d’action de la souche vaccinale, les chercheurs ont dans cette nouvelle étude mis au jour, grâce à des techniques de cytométrie, l’arsenal que ces cellules de la défense immunitaire déploient en réponse à la présence des facteurs de virulence. Ils ont ainsi pu établir une cartographie fine des mécanismes cellulaires et moléculaires sous-tendant l’efficacité de la souche vaccinale.
Les résultats montrent que contrairement à la souche BCG, cette nouvelle souche proposée par les chercheurs possède un répertoire antigénique aussi large que le pathogène lui-même. C’est en effet sur la ressemblance moléculaire entre toutes les protéines PE/PPE que repose son efficacité. Si l’absence des cinq facteurs de virulence la rend inoffensive, cette souche peut en effet, grâce à son transporteur ESX-5 toujours actif, exporter les autres protéines PE/PPE. Reconnues comme étrangères par le système immunitaire, celles-ci déclenchent alors la mise en place, chez les souris ayant reçu la souche vaccinale, d’une réaction de défense dirigée contre l’ensemble des protéines PE/PPE, le système immunitaire ne distinguant pas les minimes différences entre toutes ces protéines cousines. Ainsi, la souche vaccinale atténuée est capable de générer une réponse immunitaire contre les facteurs de virulence dont elle est dépourvue.
L’étude souligne également que la souche vaccinale, dont le transporteur ESX-1 demeure intact, a une capacité accrue de stimuler le système immunitaire inné – levier que le BCG, défectueux pour ESX-1, est incapable d’activer.
L’efficacité accrue de la nouvelle souche vaccinale se traduit également chez l’animal modèle. « Comparée au BCG, la vaccination par ce nouveau candidat vaccin permet de contrôler d’une manière bien plus performante la croissance intra-pulmonaire du bacille ainsi que le développement des lésions tuberculeuses destructrices dans le modèle préclinique chez la souris, souligne Laleh Majlessi. Ces travaux ouvrent la voie à de nouveaux développements de candidats dans des modèles précliniques de vaccination contre la tuberculose ».
* CD4+ T Cells Recognizing PE/PPE Antigens Directly or via Cross Reactivity Are Protective against Pulmonary Mycobacterium tuberculosis Infection, PLoS Pathog. 28 juillet 2016 DOI : 10.1371/journal.ppat.1005770.
Source : Institut Pasteur