Comptes de la Sécurité sociale 2009 : Discours de Roselyne Bachelot
Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de la Santé et des Sports, Eric WOERTH, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et Nadine MORANO, secrétaire d’Etat chargée de la famille, ont présidé la Commission des comptes de la sécurité sociale dont l’objet était de présenter les comptes 2008 et les nouvelles prévisions pour 2009 du régime général.
Lundi 15 juin 2009
Sous réserve du prononcé
Monsieur le Ministre,
Madame la Secrétaire d’Etat,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Secrétaire général, cher François Monier, je m’associe bien sur aux remerciements que vous adressés Eric Woerth, ainsi qu’à vous cher Dominique Libault.
Ce que je retiens de votre intervention, c’est que 2009 nous replonge sur une pente de dégradation du déficit de l’Assurance maladie : alors que le déficit avait diminué de 2006 à 2008, passant de 5,9 Mds€ à 4,4 Mds€, il devrait atteindre 9,4 Mds€ en 2009.
Ce que je retiens ensuite, c’est que cette dégradation s’explique, pour l’essentiel, par la dégradation considérable des recettes : contrairement à 2004, ce déficit n’est pas imputable à l’augmentation des dépenses, dont le rythme a décru depuis 2007, se situant aux alentours de 3,5%.
A ce stade, nous estimons ainsi à 400 M€ le dépassement de l’ONDAM fixé pour 2009 à 3,3% et, contrairement à 2007, l’alerte ne sera pas déclenchée.
Cela prouve que notre politique de maîtrise progressive et médicalisée des dépenses porte ses fruits, mais que nous devons l’intensifier pour réussir à respecter l’ONDAM voté par le Parlement : il ne faut pas baisser la garde !
Si nous devons prendre acte de la part conjoncturelle du déficit, qui joue en temps de crise un puissant rôle d’amortisseur social, nous ne devons pas être laxistes sur les dépenses.
Or j’observe que pour justifier le dépassement de 400 M€, la Commission des comptes retient l’hypothèse d’une réalisation de 60% sur l’objectif de maîtrise médicalisée. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je ne me contenterai pas d’un tel taux. Nous devons faire mieux. Beaucoup mieux. Une intensification de nos efforts de maîtrise médicalisée devrait nous rapprocher de l’ONDAM voté.
Comme tu l’as indiqué, cher Eric, deux postes de dépenses méritent une action spécifique : les indemnités journalières et les transports sanitaires, sur lesquels nous demandons donc à la CNAMTS, comme tu l’as dit tout à l’heure, de renforcer ses contrôles, en augmentant le nombre de mises sous accord préalable.
Plus profondément, je souhaite que la CNAMTS renforce sa politique de maîtrise médicalisée sur ces deux postes.
La croissance des indemnités journalières est surprenante en temps de crise. Je demande donc à la CNAMTS de nous donner des éléments d’explication. Il faudra notamment analyser les écarts entre assurés, entre départements et entre entreprises. Je ne suis pas sûre en effet que ces écarts soient toujours justifiés par des facteurs strictement médicaux, ce qui devrait pourtant être le cas.
Je souhaite donc que les médecins puissent s’appuyer sur des référentiels portant sur les pathologies les plus fréquemment observées dans les arrêts de travail. Je sais que des référentiels ont été élaborés par la CNAMTS à partir de normes médicales internationales et soumis à la Haute autorité de santé. Je souhaite qu’ils soient diffusés le plus rapidement possible aux médecins, dans l’esprit de la nouvelle procédure introduite le projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires.
Par ailleurs, je pense que l’amélioration des conditions de travail et le renforcement de la prévention dans la médecine du travail pourraient contribuer à ralentir cette hausse des indemnités journalières. Je sais que les branches maladie et accidents du travail – maladies professionnelles ont commencé à lancer des actions de gestion du risque coordonnées dans cet objectif et je m’en réjouis.
Quant aux prescriptions de transports sanitaires, je demande à la CNMATS, en lien avec le comité exécutif des agences régionales d’hospitalisation, d’assurer le déplacement de ses services dans les 200 hôpitaux qui prescrivent le plus de transports.
Je l’encourage aussi à développer des actions de sensibilisation auprès des médecins hospitaliers afin d’améliorer la bonne adéquation entre l’état de santé des malades et la nature du transport sanitaire.
Je précise enfin que, pour respecter l’ONDAM voté par le Parlement, nous serons attentifs, en fin d’année, aux marges de manœuvre disponibles sur certains fonds.
Ainsi, la dégradation des comptes ne doit pas nous faire dévier de nos objectifs. Nous avons eu deux ans pour initier les réformes et créer les outils. Nous avons maintenant trois ans pour faire vivre les premières et déployer les seconds. Nous devons agir sur la durée.
Pour nous rapprocher au plus près de l’ONDAM voté, nous inscrivons donc notre action dans la continuité de la politique que nous menons depuis 2007, politique qui privilégie une approche médicale de la maîtrise des dépenses et qui, de manière générale, porte ses fruits.
Je pense d’abord aux référentiels médico-économiques de la Haute autorité de santé. Depuis 2008, la HAS s’est pleinement investie de sa nouvelle mission. Je souhaite que la CNAMTS assure la meilleure diffusion possible, auprès des médecins, des référentiels produits l’an dernier sur l’usage des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des sartans dans le traitement de l’hypertension artérielle. L’objectif est en effet de convaincre les médecins de prescrire, en premier intention, les soins ou les produits de santé, qui, à efficacité équivalente, sont les moins onéreux. La HAS a validé récemment les référentiels de la CNAMTS sur les séances de masso-kinésithérapie. Et je vous annonce que demain, mardi, elle publiera une recommandation très attendue sur le bon usage des inhibiteurs de la pompe à proton, qui montre qu’il n’y a pas de différence générale d’efficacité ou de tolérance entre les produits de cette classe, sinon leur prix.
Je pense également à l’élargissement du champ d’application des procédures de mise sous entente préalable. Je note, par exemple, que cette procédure a contribué à augmenter de manière significative le taux de chirurgie ambulatoire dans les hôpitaux, même si des progrès restent encore à faire en ce domaine.
Je pense par ailleurs aux ajustements indispensables de certains tarifs et certains prix de notre système de santé. La réduction des prix de certains médicaments et des tarifs de certaines spécialités médicales est nécessaire si nous souhaitons adapter la valeur des actes et des prestations aux évolutions du progrès médical.
Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons financer chaque année de nouvelles technologies médicales ou médicamenteuses. Je suis fière, par exemple, d’avoir inscrit au remboursement, cette année, la pose de cœurs artificiels.
Je suis heureuse, enfin, de voir que nous avons réussi à mettre au point le contrat d’amélioration des pratiques individuelles, le fameux « CAPI » voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Je constate avec satisfaction la montée en puissance de ces contrats conclus entre l’assurance maladie et les médecins. Alors que le premier a été signé il y a une quinzaine de jours à peine, nous en comptons désormais plus de 600… je suis volontairement imprécise car le chiffre augmente, m’a-t-on dit, chaque jour ! En tout état de cause, je sais pouvoir compter sur la mobilisation de l’ensemble de l’assurance maladie, pour atteindre d’ici la fin de l’année l’objectif de 5000 CAPI que nous nous étions fixé collectivement.
J’attends en effet beaucoup de ces contrats, censés inciter les médecins à développer la prévention, à prescrire dans le répertoire des génériques et à suivre les pathologies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension artérielle.
Les CAPI seront une façon de valoriser le médecin traitant. N’oublions pas que plus de 85% des patients ont aujourd’hui un médecin traitant. Preuve, s’il en était besoin, que les comportements peuvent changer si l’on s’inscrit dans la durée.
De manière générale, je souhaite que les expérimentations en cours sur les nouveaux modes de rémunération débouchent sur des solutions opérationnelles de rémunération à la performance, et permettent d’accompagner et de favoriser le développement de maisons pluridisciplinaires.
Mais c’est aussi grâce à la réorganisation de notre système de santé opérée par le projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires, que nous pourrons réaliser des économies.
L’accès de tous à des soins de qualité, fil conducteur de cette loi, nous permettra en effet d’optimiser notre offre de soins.
Si nous souhaitons, par exemple, assurer l’adéquation constante de notre offre aux besoins de notre population, c’est aussi parce que les écarts de prescription, souvent trop corrélés à la concentration des professionnels de santé sur le territoire, nous prouvent que notre système recèle des marges d’efficience non négligeables.
A cet égard, la loi Hôpital, patients, santé, territoires, va nous permettre de mieux répartir l’offre de soins sur le territoire grâce aux schémas régionaux d’organisation des soins, aux contrats santé solidarité, aux contrats d’engagement de service public, à l’organisation de l’offre de soins en deux niveaux de recours, au développement des maisons, pôles et centres de santé, ou encore à la modulation de la répartition des étudiants en médecine au plus près des besoins de santé de la population.
De même, en mettant en place les agences régionales de santé, nous cherchons d’abord à améliorer la coordination des soins et à mettre fin aux cloisonnements des parcours de soins, à l’éclatement des structures, à la multiplicité des interlocuteurs, à l’opacité des circuits, ou encore à la lenteur des décisions – de fait, les ARS nous permettront de développer les coopérations entre les professionnels et d’améliorer le dialogue entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social ; la permanence des soins aura enfin une réalitéet favorisera le désengorgement des urgences à l’hôpital. Mais en unifiant l’organisation et le financement, les ARS permettront aussi d’augmenter la qualité des soins sans détériorer les finances.
Au sein même de l’hôpital, la nouvelle gouvernance facilitera la prise de décision en faveur de la qualité des soins. Les directeurs d’établissements de santé et la communauté médicale auront une capacité d’action plus forte pour mieux organiser les soins hospitaliers.
Et ils pourront s’appuyer sur une nouvelle structure multifonctionnelle et innovante pour opérer les nécessaires réorganisations, au service d’une meilleure qualité et d’une plus grande sécurité pour tous. Je veux parler de l’agence nationale d’amélioration de la performance, à qui je demanderai de lancer des actions globales sur l’organisation de plusieurs dizaines hôpitaux, notamment de ceux qui traversent les plus graves difficultés financières.
Je souhaite par ailleurs que nous nous mobilisions fortement sur les soins de suite et de réadaptation dans la perspective de l’extension de la tarification à l’activité à ce secteur. Je sais que la Direction des hôpitaux et de l’organisation des soins lance dès cette semaine un grand chantier pour mieux identifier les besoins à couvrir, définir les schémas régionaux d’organisation et activer le projet de passage à la T2A.
De manière plus générale, nous devons prendre exemple sur des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni pour mieux gérer les sorties d’hospitalisation et éviter les moyens séjours.
Enfin, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » renforce aussi la place de la prévention dans notre système de soins, en assurant une meilleure protection des plus fragiles : les malades chroniques d’une part, avec la reconnaissance du rôle essentiel de l’éducation thérapeutique du patient ; les jeunes d’autre part, qui seront protégés par l’interdiction de vente d’alcool et de tabac aux mineurs, ainsi que par l’interdiction des opens bars. La mise en place d’une visite de prévention pour les jeunes de 16 à 25 ans va dans le même sens.
J’espère, par ces quelques mots, vous avoir convaincus : la solidarité et la soutenabilité de nos systèmes sociaux ne sont pas incompatibles avec les effortsnécessaires d’optimisation de nos politiques, bien au contraire.
Je ne crois pas qu’il soit inéluctable que nos dépenses croissent plus vite que le PIB, sauf bien sur en récession. Nous l’avons démontré sur la période 2005 – 2007, où les dépenses d’assurance maladie augmentaient moins vite que le PIB en valeur. D’autres pays font mieux que nous, notamment grâce à une politique plus avancée sur la prévention et l’accompagnement des malades.
Ce n’est qu’en maintenant le cap d’une approche organisationnelle et médicalisée de la maîtrise des dépenses que nous parviendrons à changer dans la durée les comportements et à préparer l’avenir de notre système solidaire d’Assurance maladie, pour mieux le préserver.
Je vous remercie.