Alcool: les effets sur le système nerveux central observés à l’échelle atomique
Pour la première fois, des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Université du Texas ont pu observer les effets de l’éthanol (alcool présent dans les boissons alcoolisées) à l’échelle atomique sur des récepteurs du système nerveux central. Ces travaux sont publiés en ligne le 16 avril sur le site de la revue Nature Communications.
L’éthanol est la drogue la plus répandue et la plus consommée par l’homme. Son utilisation excessive est à l’origine d’un problème de santé publique majeur, et a fait de lui la première cause de handicap chez les 10-24 ans. L’éthanol altère la fonction de nombreux gènes, dont certains exprimés dans le système nerveux central. Cependant, ses cibles moléculaires et les mécanismes d’action qu’il engendre demeurent aujourd’hui largement méconnus.
Les équipes de Marc Delarue et de Pierre-Jean Corringer, respectivement chefs de l’unité Dynamique structurale des macromolécules et du groupe Récepteurs-canaux à l’Institut Pasteur à Paris, et directeurs de recherche au CNRS, avec des chercheurs du Waggoner Center for Alcohol and Addiction Research de l’Université du Texas, ont pour la première fois décrit les effets de l’éthanol à l’échelle atomique sur sa cible principale dans le système nerveux central.
Les chercheurs ont identifié cinq sites de liaison de l’éthanol dans la structure d’un homologue bactérien (issu de l’espèce modèle Gloeobacter violaceus) des récepteurs nicotiniques et des récepteurs au GABA (également appelés récepteur de type GABAA). Ces récepteurs sont présents notamment à la surface des neurones et régulent le passage de l’influx nerveux grâce à une partie canal qui peut être en position ouverte ou fermée.
Grâce à la cristallographie aux rayons X, les scientifiques ont résolu la structure du complexe éthanol / récepteur avec une précision de l’ordre de l’Ångström (10 milliardième de mètre), une première. Dans leur étude, les chercheurs ont comparé la structure des récepteurs de Communiqué de presse Gloeobacter violaceus à celle de leurs homologues humains. Ils ont constaté ainsi que les sites de liaison de l’éthanol étaient parfaitement conservés chez les récepteurs humains de type GABAA (principal neurotransmetteur inhibiteur du cerveau humain), cible privilégiée de l’éthanol dans le système nerveux central. Cette structure a permis aux chercheurs de décrire comment la fixation de l’éthanol active l’ouverture de la partie canal du récepteur, perturbant ainsi les fonctions cérébrales en exacerbant l’activité des neurones inhibiteurs.
L’ensemble de ces travaux permet d’envisager la mise au point de composés antagonistes, substituables à l’éthanol, ayant pour effet de maintenir les canaux en position fermée. De tels composés pourraient être utilisés pour limiter les effets de la prise d’alcool sur le cerveau, ainsi que pour le sevrage en cas d’addiction.
Source : Institut Pasteur – Structural basis for potentiation by alcohols and anesthetics in a ligand-gated ion channel,Nature Communications, april 16, 2013