Cancer et diabète : une découverte, deux pistes de recherche
Il arrive que les résultats d’une recherche ouvrent des perspectives inattendues. C’est ce que Chang Xian Zhang, directeur de recherche Inserm, et ses collaborateurs du laboratoire Génétique moléculaire, signalisation et cancer (CNRS / Université Claude Bernard Lyon / Centre Léon Bérard) dirigé par Marc Billaud, ont expérimenté. En effet, leurs récents travaux sur les tumeurs endocrines pancréatiques s’avèrent également profitables à la recherche sur le développement de traitements contre le diabète.
En étudiant l’origine de certaines tumeurs endocrines du pancréas, les chercheurs ont mis en évidence l’implication du phénomène de transdifférenciation des cellules alpha du pancréas en cellules secrétant l’insuline. En plus d’élucider une partie du mystère relatif à la naissance de ces tumeurs, ces résultats apportent des informations très utiles pour l’élaboration de traitements contre le diabète. Le diabète de type 1 se caractérise par la perte des cellules beta, produisant l’insuline. Trouver comment restaurer ces cellules et leur fonction est l’un des principaux objectifs de la recherche sur cette maladie.
Depuis plus de dix ans, Chang Xian Zhang et ses collaborateurs constituent une des équipes les plus actives au monde qui cherchent à comprendre les fonctions du gène Nem1. Ce gène, lorsqu’il est inactivé, conduit à l’apparition de plusieurs types de tumeurs endocrines (le syndrome est appelé « Néoplasies Endocriniennes Multiples de Type 1 »), y compris les tumeurs endocrines pancréatiques. Ces dernières sont connues pour leur complexité. Au moins un tiers d’entre elles est composé de cellules qui sécrètent plusieurs hormones, contrairement aux cellules normales, suggérant de multiples hypothèses sur leur origine cellulaire. Elucider le processus de l’apparition et du développement de ces tumeurs est donc la clé pour mieux les maîtriser, améliorer leur diagnostic, affiner le pronostic ainsi que le suivi médical, voire le traitement du cancer du pancréas.
En quoi l’inactivation du gène Nem 1 entraîne la naissance de telles tumeurs ?
A l’aide de modèles murins, l’équipe a inactivé ce gène dans les cellules alpha pancréatiques qui secrètent le glucagon. De façon très surprenante, ces souris développent non seulement des tumeurs de cellules alpha, mais également des tumeurs de cellules beta sécrétant l’insuline, ainsi que des tumeurs mixtes secrétant les deux hormones. Grâce à diverses analyses, les membres de l’équipe ont montré, pour la première fois, que l’inactivation du gène Nem1 conduit, dans un premier temps, à la prolifération des cellules alpha, puis celles-ci deviennent des cellules sécrétant l’insuline. Il s’agit du phénomène de transdifférenciation, conduisant ici au développement des tumeurs à la fois des cellules alpha et beta, ainsi que des tumeurs mixtes. Le gène Nem1 joue donc un rôle important dans le contrôle de la plasticité des cellules alpha pancréatiques.
Une découverte bénéfique pour deux pathologies
La compréhension des mécanismes de la transdifférenciation des cellules alpha pancréatiques en cellules sécrétant l’insuline pourraient permettre de mieux expliquer l’origine cellulaire des tumeurs endocrines pancréatiques observées. L’objectif : affiner le diagnostic et pronostic, et identifier de potentielles cibles thérapeutiques adéquates.
« En plus de nouvelles pistes pour la recherche contre le cancer, l’étude des mécanismes responsables de la transdifférenciation révélée dans cet article, permettrait une meilleure compréhension de la biologie des cellules endocrines pancréatiques et la conception de nouvelles stratégies de régénération des cellules beta pancréatiques, un enjeu majeur dans le traitement du diabète » conclut Chang Xian Zhang.
Source :
Gastroenterology, mai 2010; 138:1954-1965 ; α-cell-specific Men1 ablation triggers the transdifferentiation of glucagon-expressing cells and insulinoma development ; Jieli Lu1, Pedro L Herrera2, Christine Carreira1, Rémy Bonnavion1, Christelle Seigne1, Alain Calender1, Philippe Bertolino1 and Chang xian Zhang1
1 UMR5201 CNRS/ Université Claude Bernard Lyon1, Faculté de Médecine, Centre LEON-BERARD, Lyon, France;
2 Department of Genetic Medicine and Development, Faculty of Medicine, University of Geneva, Switzerland.