Compléments alimentaires: plus des 2/3 contiendraient des médicaments non contrôlés ou surdosés
Amaigrissant, excitant, 100% naturel… Une équipe de recherche de l’université Toulouse III – Paul Sabatier alerte sur la consommation – devenue courante – de compléments alimentaires. Plus des deux tiers contiendraient des médicaments non contrôlés, surdosés, dont certains sont interdits par les autorités de santé.
« C’est un véritable problème de santé publique. » Le Professeur Myriam Malet-Martino du laboratoire de synthèse et physico-chimie de molécules d’intérêt biologique (SPCMIB* – UPS/CNRS) ne mâche pas ses mots. Son équipe démontre depuis 2009, par des techniques de résonance magnétique et de spectroscopie de diffusion ordonnée qu’il s’agit de véritables médicaments contrefaits, dans lesquels des manipulations chimiques sont adultérantes. Cette année, l’équipe a encore publié deux articles internationaux, l’un dans une revue spécialisée et l’autre dans un ouvrage de recherche**. En résumé, les effets nutritionnels ou physiologiques escomptés (perte de poids, érection…) sont relégués par des effets secondaires à risque (anxiolitique, diurétique…), que les consommateurs ignorent.
Quelques conclusions de ces travaux sont édifiantes :
– sur 20 coupe-faim « naturels » disponibles sur le marché, 8 révèlent la présence de sibutramine – une substance active interdite en France dès 2010 – à des doses allant jusqu’à deux fois la dose journalière maximale recommandée avant son interdiction. 5 contenaient aussi de la phénolphtaléine, un laxatif réputé cancérigène – interdit depuis 1999 – et d’autres un alcaloïde extrait de l’orange amer, une plante interdite depuis mai dernier compte tenu de ses effets secondaires sur le rythme cardiaque.
– sur 70 échantillons proposant de solutionner les dysfonctionnements érectiles chez l’homme, vendus comme « 100% naturels » les deux tiers contiennent des molécules analogues (proches de molécules de référence) n’ayant pas obtenu d’autorisation de mise sur le marché. Et ce, à des doses journalières maximales. Or la tentation d’en abuser est une réalité.
Les fabricants écouleraient ainsi les stocks de molécules interdites par les autorités de santé, et intègreraient régulièrement de nouvelles substances actives falsifiées, pour ne pas laisser le temps aux chercheurs de les détecter en routine. Alors notre équipe a décidé d’ouvrir un site Internet d’information pour le public. Affaire à suivre.
*SPCMIB : synthèse et physico-chimie de molécules d’intérêt biologique – UPS/CNRS). Laboratoire à l’interface de la biologie et de la santé, regroupant 5 équipes de recherche dont le groupe RMN biomédicale du Professeur Malet-Martino.
** Analysis of herbal dietary supplements for sexual performance enhancement, Journal of Pharmaceutical and Biomedical Analysis, 63, 135-150 (2012). Et Nutritional supplements, Chemical Analysis of Food: Techniques and Applications, ISBN: 978-0-12-384862-8, Part II, Chapter 17; pages 539-573 (2012)
Source : université Toulouse III – Paul Sabatier