H1N1: ni canicule, ni Tchernobyl, mais un beau fiasco
Après les quolibets, voici venu le temps de la lapidation. En apprenant que la France s’employait à “fourguer” ses doses inutilisées de vaccins contre la grippe A, les voix n’ont pas manqué pour brocarder l’Etat coupable, selon ces mêmes voix, d’avoir gaspillé des fonds publics dans l’achat massif de vaccins contre une pandémie qui, pour l’heure, n’a pas franchement convaincu.
Application compulsive du principe de précaution, surestimation du danger, gâchis, tout fait ventre. Mais en France, le contentieux est lourd: la succession d’échecs cuisants dans le domaine de la sécurité sanitaire (sida, vache folle, hormone de croissance, canicule…), a fait de gros dégâts et engendré une défiance bien ancrée dans l’opinion, pendant que les politiques se réfugiaient dans la pénitence.
Pourquoi? Parce que dans ce registre comme dans bien d’autres, la France paie encore ses excès de centralisme: entre l’Etat et l’individu il n’y a rien. A aucun moment de l’émergence ou de la gouvernance d’un événement, fut-il sanitaire ou simplement politique, les relais de pouvoir ne fonctionnent. Tout simplement parce que la culture de l’Etat tout puissant a la peau dure: ses relais de pouvoir et d’information, en l’occurrence le ministère et les agences sanitaires impliqués dans la pandémie n’ont pas véritablement assumé leur rôle notamment dans l’affirmation du leadership de la communication. Bilan: c’est le ministère de la Santé qui s’est, il faut bien l’avouer, abîmé dans la mer de la confusion.
Paradoxe des paradoxes: dans un premier temps, l’opinion s’est rangée derrière la ministre qui affichait d’ailleurs un discours crédible et sincère. Patatras, dans un second temps, la campagne de vaccination débutait dans une ambiance de conseil de révision, initimidante et avare des informations pratiques qui ont fait largement défaut aux impétrants.
« Il ne faut pas mentir aux Français »
Sur le fond, la morale de l’affaire est cruelle: c’est celle de l’arroseur arrosé. Mais que n’aurait-on dit ou écrit s’il avait été prouvé que l’Etat avait failli à sa mission? Imaginons que la pandémie ait entraîné la mort de centaines de milliers de personnes et que les pouvoirs publics soient restés peu ou prou les bras ballants… Deux exemples viennent à l’esprit. Celui de Jean-François Mattei, ancien ministre de la Santé, “vicitime” de la canicule de 2003 pour n’avoir pas su prendre la mesure du drame. Qui ne se souvient du ministre, filmé à l’été 2003 dans son jardin, en polo, annonçant la création d’un numéro vert que tout le monde confondit derechef avec un numéro d’alerte météo. Le second exemple est bien plus désatreux: après l’explosion de la centrale de Tchernobyl, en 2006, un scientifique français et non des moindres n’hésitait pas à affirmer que les salades de Forbach (Moselle) n’étaient pas contaminées par le nuage radioactif, quand celles de Sarrebrück, plantées à un jet de pierre de là, l’étaient. Désastre.
De ces échecs patents, une leçon a été tirée: il ne faut pas mentir aux Français. En a-t-on dès lors trop fait? Assurément. Et mal. La plus grosse boulette n’est d’ailleurs pas à chercher dans la “gestion” de la pandémie, elle se niche dans l’incroyable campagne de communication de la part des pouvoirs publics: l’affaire a tourné en eau de boudin, et pour une raison toute bête. Le fait d’avoir dénié aux médecins généralistes le droit de vacciner les Français –pour des raisons de coût qui tournent à la pingrerie quand on songe aux doses de vaccins désormais inutilisées- a quasiment ruiné la pertinence de la campagne. Pour avoir voulu économiser trois euros six centimes sur les remboursements, les pouvoirs publics -qui n’ont d’ailleurs pas pu enrayer l’explosion des consultations de patients inquiets- se sont tiré une balle dans le pied. Et c’est le système de santé qui est tombé dans les pommes.
Hervé Karleskind
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