Hépatite C : enfin un modèle au plus proche des cellules du foie humain
600 000 à 800 000 cas d’hépatite C sont recensés en France, faisant de cette maladie du foie un problème de santé publique majeur. Pour la première fois, l’équipe de recherche « Virologie de l’Hépatite C » de l’Université Paris Descartes, dirigée par Arielle Rosenberg, a réussi à cultiver le virus de l’hépatite C dans des cellules hôtes correspondant au modèle le plus proche des cellules du foie humain. Ces résultats ouvrent la voie à la mise au point de nouveaux médicaments prenant en compte le métabolisme particulier du foie.
Le virus de l’hépatite C a été découvert en 1989 par une approche de biologie moléculaire, impliquant des étapes de clonage et de séquençage. Ce n’est qu’en 2005 que les scientifiques ont enfin cultivé le virus, dans une lignée de cellules cancéreuses du foie appelée Huh7. Ces travaux ont permis une meilleure compréhension des différentes étapes du cycle de multiplication du virus de l’hépatite C. Cependant ce modèle reste imparfait car il est loin de reproduire la physiologie normale des cellules hépatiques. En particulier, les cellules Huh7 métabolisent peu l’alcool et de nombreux produits (drogues, médicaments).
Conséquence des imperfections de ce modèle, plusieurs nouveaux médicaments antiviraux, a priori prometteurs, ont dû être retirés des essais cliniques en raison d’une toxicité qui n’avait pu être révélée en culture de cellules.
Afin d’obtenir un modèle cellulaire plus pertinent de la situation réelle, Philippe Podevin et Arnaud Carpentier de l’équipe « Virologie de l’Hépatite C » de l’Université Paris Descartes ont utilisé des cellules hépatiques humaines prélevées à l’occasion d’interventions chirurgicales. Après infection de la culture cellulaire par le virus de l’hépatite C, les scientifiques ont observé le cycle complet du virus et démontré l’importance de ce modèle par rapport à celui de la lignée cellulaire Huh7. En effet, des composants du sang qui sont normalement produits par le foie, tels que l’albumine et les transporteurs du cholestérol ou VLDL (lipoprotéines de très basse densité), sont sécrétés par les hépatocytes humains primaires mais peu ou pas par les cellules Huh7. De plus, « contrairement aux particules virales sortant des cellules Huh7, celles issues des hépatocytes humains primaires sont associées aux VLDL comme cela est le cas chez les malades atteints d’hépatite C », explique Arielle Rosenberg, maître de conférences à l’Université Paris Descartes et médecin virologiste à l’hôpital Cochin.
Grâce à ces recherches, il sera possible de réaliser une ultime validation in vitro des médicaments contre l’hépatite C avant les essais cliniques. Les effets pathologiques couplés de l’hépatite C et de l’alcool pourront également être étudiés ; ce phénomène fréquent dans la population française aboutit souvent à des complications sévères. Enfin, ce modèle pourra être utilisé afin de tester des « promédicaments », c’est-à-dire des molécules inactives qui, une fois métabolisées par le foie, libéreront le produit actif in situ. Deux avantages à cette technique : un meilleur ciblage des cellules infectées et la réduction des effets secondaires, puisque la molécule ne devient active que dans le foie.
Ces travaux ont pu être réalisés grâce au soutien de l’Agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites virales (ANRS).
Production of infectious hepatitis C virus in primary cultures of human adult hepatocytes
Gastroenterology ; doi:10.1053/j.gastro.2010.06.058
Source : Université Paris Descartes