Industrie pharmaceutique : grand’messe à l’Elysée
Maintes fois annoncé, maintes fois reporté: après de très longs mois d’attente, le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) se réunit aujourd’hui, pour la première fois depuis plus de trois ans. Cette rencontre au sommet entre pouvoirs publics et patrons de l’industrie pharmaceutique est présidée -c’est une première lourde de sens- par Nicolas Sarkozy en personne. Cinq ministres -Christine Lagarde, Eric Woerth, Roselyne Bachelot, Valérie Pécresse et Christian Estrosi- sont également à l’affiche.
Au programme :« L’attractivité du territoire national pour les plus grands groupes mondiaux du médicament et du dispositif médical ».Les laboratoires pharmaceutiques sont demandeurs mais, comme d’habitude, leurs espoirs sont variés, pour ne pas dire disparates. En gros qu’attendent-ils ? Très certainement la reconnaissance par l’Etat du caractère stratégique de leur activité qui leur apporterait de facto la caisse de résonance politique qu’ils espèrent obtenir depuis longtemps.
En substance, il n’est pas vain de les considérer comme des géants économiques mais aussi comme des nains politiques : dans le registre du médicament, l’Etat -financeur principal du système de santé- n’est pas toujours bon joueur, loin s’en faut. Il est ainsi le premier à soutenir toutes les mesures visant à développer l’attractivité du territoire, mais aussi le dernier à les mettre en musique.
Dans un registre plus trivial, les industriels seraient bien oublieux de ne pas souhaiter en cette occasion un allégement des taxes en échange d’engagements pour la recherche. Dans la foulée, s’ils ne manquent pas de se féliciter (un peu vite) d’une reconnaissance par le président de la République des industries de santé comme industrie stratégique, ils estiment -nous y voilà- que le grand emprunt doit financer des instituts hospitalo-universitaires d’excellence et développer un programme de recherche sur les technologies de bioproduction.
Retour sur terre : dans un entretien accordé au Quotidien du Médecin, Christian Lajoux, président du Leem (Les Entreprises du médicament), affirmait récemment que les objectifs du CSIS, mis en perspective avec le projet de budget 2010 de la Sécurité sociale, étaient « plutôt décalés ». Une façon aimable de faire remarquer que, si les bonnes paroles sont désormais de mise, (ce qui n’a pas toujours été le cas), les « mauvaises » actions perdurent.
S’il est entendu que « les industriels ne refusent pas de participer au rétablissement des comptes », le président du Leem, pas dupe, prévient que le secteur n’entend pas non plus « faire les fonds de tiroir ». Christian Lajoux regrette donc le manque de « créativité » dans la construction des PLFSS, remarquant au passage que « le médicament apparaît toujours comme la variable d’ajustement des déficits ». En termes clairs : le bouche-trou. Pour 2010, le secteur pharmaceutique contribuera à hauteur de 1,8 milliard d’euros dans la maîtrise des déficits de l’assurance-maladie, soit 8% du chiffre d’affaires du secteur.
Morale de l’histoire: jusqu’alors, les réunions du CSIS se sont montrées plutôt décevantes : la dernière en date (avril 2006) avait été carrément bâclée. Le Premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin, avait même « séché » la messe. Le gouvernement s’était bien engagé à donner plus de lisibilité sur l’évolution de la fiscalité spécifique qui affecte l’industrie pharmaceutique : en vain. Le taux de la taxe sur le chiffre d’affaires continue de varier tous les ans.
Hervé Karleskind
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