L’industrie pharmaceutique, « un secteur bien portant qui a besoin de soins »
Selon une analyse de l’assureur-crédit Euler Hermes SFAC, l’industrie pharmaceutique mondiale a devant elle des perspectives de croissance positives en volume mais doit relever certains défis: la situation de déflation durable, la concurrence grandissante des génériques et une innovation de la R&D pharmaceutique en panne du fait de l’assèchement du financement dévolu aux biotechnologiques.
Les experts d’Euler Hermes constatent une croissance de la demande pharmaceutique mondiale qui bénéficie de tendances lourdes. « Entre 1970 et 2010, les dépenses de santé mesurées en pourcentage du PIB auront doublé en Europe de l’Ouest et au Japon et presque triplé aux Etats-Unis. Elles alimentent celles des médicaments », commente Marc Livinec, conseiller sectoriel Euler Hermes SFAC. Par ailleurs, la population mondiale âgée de 65 ans et plus va doubler au cours des 30 prochaines années en passant de 7% de la population totale en 2008 à 14% estimés en 2040. Cette population consomme en moyenne trois fois plus de soins de santé.
Autre facteur de croissance, les BRIC, acronyme désignant les pays à forte croissance que sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. « Les BRIC sont le relais de croissance du marché mais ils partent de très bas. Leur consommation pharmaceutique par tête en 2008 était de 22 dollars, à comparer avec 947 dollars en Amérique du Nord et 511 dollars en Europe», observe Marc Livinec.
Enfin, le secteur des vaccins connaît un bel essor compte tenu de la grippe H1N1 mais « faiblement contributif par rapport à la taille du marché pharmaceutique global ». Le marché mondial des vaccins antigrippaux représente 25% du marché des vaccins globaux lui-même évalué à 14 milliards de dollars en 2008 (ou 2% du marché pharmaceutique).
Le secteur pharmaceutique face à « trois écueils »
Pour les analystes, la croissance des volumes vient buter contre trois écueils. Premièrement, les régimes d’assurance-maladie financièrement mal en point mettent en placent des réformes qui visent à enrayer l’envolée des coûts de la santé. Deuxième écueil, la situation déflationniste du marché pharmaceutique mondial. « L‘année 2005 a vu le prix « moyen » du médicament devenir inférieur au taux d’inflation mondiale. Il s’agit selon nous d’une situation de marché durable », commente Marc Livinec. Enfin, le retour sur investissement de la R&D pharmaceutique se dégrade depuis dix ans du fait du durcissement très sensible des critères d’homologation des agences étatiques. « La délivrance de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament innovant s’avère nettement plus ardue et donc plus coûteuse », observe Marc Livinec.
L’érosion de la rentabilité des « Big Pharma »
Selon les auteurs de l’étude, cette évolution du marché induit une érosion du taux de rentabilité historiquement très élevée des « Big Pharma ». « Le taux de marge d’exploitation a diminué de 4 points entre 2002 et 2007 ; mais l’érosion de cette rentabilité moyenne s’avère relative au vu de son taux de marge opérationnelle en 2008 autour de 24%. Ce qui reste d’un très bon niveau » observe Marc Livinec.
Par ailleurs, aujourd’hui la productivité en R&D des biotechs s’avère plus performante que celle des « Big Pharma » Les grands laboratoires pharmaceutiques sont prêts à racheter à des prix élevés des biotechnologiques pour regarnir leurs pipelines. « En 2007, 70% des nouveaux médicaments avant homologation étaient issus de la R&D de jeunes pousses biotechnologiques, contre 40% en 2000 », observe Marc Livinec. Néanmoins, la crise financière de 2008 a asséché la seule source de financement des biotechnologies. « A titre d’exemple, les financements de biotechs ont diminué de 65% en Europe contre 39% aux Etats-Unis entre 2007 et 2008 », souligne Marc Livinec.
Enfin, l’expiration du brevet des grands blockbusters s’est fortement accélérée à partir de l’année 2007. Le chiffre d’affaires « génériquable » cumulé entre 2007 et 2011 serait de 106 milliards de dollars contre 68 milliards de dollars entre 2002 et 2006. Conséquence, la poursuite à horizon 2010 de l’érosion de la rentabilité des « Big Pharma » se traduit par des réorganisations au « coût social » lourd. 90.000 emplois devraient « disparaître » sur la période 2006-2009 dont 40.000 postes sur la seule année en cours selon les experts du cabinet.
Source : Euler Hermes SFAC