Leem : des vœux sous influence
Le président des Entreprises du médicament, Christian Lajoux, a présenté lundi matin les vœux de l’institution : en pleine « affaire Mediator », le Leem s’efforce de garder son cap tout en reconnaissant qu’il est désormais engagé dans une véritable « Opération restauration ».
Il s’en est plutôt bien tiré. L’exercice était délicat : en pleine affaire « Mediator », prononcer les vœux des Entreprises du médicament relevait de la haute voltige ou, comme on voudra, de la mission kamikaze. Un peu tendu, le patron, Christian Lajoux, s’est défendu lundi matin de trop parler de ce qu’il a lui-même qualifié de « déflagration », mais il n’a pas caché que les industriels du médicament étaient « très préoccupés par la perte de confiance réelle à l’égard des industriels et du système de santé ». « Nous constatons la déflagration et l’anéantissement des efforts qui ont été faits depuis des années » dans la réhabilitation du médicament dans l’opinion a sobrement commenté Christian Lajoux.
L’ « affaire Mediator »
Dès lors, comment sortir de la crise ouverte par l’ « affaire Mediator » ? Tout d’abord en faisant le ménage : Servier est désormais, selon la formule du Vatican, « suspens a divinis », ce qui signifie que le laboratoire n’est pas exclu (c’est impossible), mais qu’il est suspendu, ce qui d’ailleurs n’est pas sans impacter les finances du Leem dont Servier était un important contributeur. Pour recoller la vaisselle cassée, -car selon Lajoux, « notre crédibilité est atteinte, et il nous faut la rétablir, non pas seulement en paroles, mais en actes »-, le Leem entend se doter d’un « Comité d’alerte » extérieur à l’institution, composé de membres non affiliés. Le Leem s’engage à « faire évoluer son Comité d’éthique et de médiation (le Cemip). Cette structure est aujourd’hui centrée sur les litiges commerciaux ou publicitaires; les industriels entendent réfléchir à de nouveaux organes d’alerte et de médiation propres à la profession, composés (et présidés) par des acteurs majoritairement extérieurs à l’industrie du médicament ». Bref, c’est l’aggiornamento. Pas facile pour une institution qui commençait tout juste à émerger d’une certaine obscurité qu’elle avait d’ailleurs longtemps elle-même entretenue. Mais il y a le feu dans la boutique. Christian Lajoux le sait bien qui n’a d’ailleurs pas voulu ou pu évaluer l’impact de l’ « affaire Mediator » sur le chiffres d’affaires (mais aussi sur l’emploi) des quelques 270 entreprises adhérentes. Pour sortir de cette crise, le Leem consulte : sociologues, sondagiers, spécialistes de l’opinion, « spin doctors ». Premier verdict : le Leem, avoue Lajoux, « est trop refermé sur lui-même ». Constat sans appel qui pose celui du champ de la légitimité de l’institution : vaste programme… Pour l’heure, les Entreprises du médicament entendent « calmer le jeu, revenir à des fondamentaux lisibles et compréhensibles ».
Le Leem aurait-il pour autant succombé aux vertus de l’autoflagellation ? Pas tout à fait : d’un petit coup de griffe, Lajoux indiquait lundi matin que : « nos entreprises ne se reconnaissent pas dans les pratiques évoquées dans le rapport de l’Igas remis le 15 janvier dernier au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé. Le Leem, à l’unanimité de ses adhérents, défend la plus grande transparence dans les procédures d’évaluation du médicament, et promeut tout ce qui peut garantir la totale impartialité des décisions d’AMM et de pharmacovigilance ». En clair, il ne faudrait quand même pas pousser le bouchon trop loin : les industriels emploient quelques 103 000 personnes et les perspectives ne sont pas roses. Et il y a tout lieu de penser que les autorités de santé mettront tout en œuvre pour obtenir des baissses significatives de prix (voir le déremboursement total pour les spécialités à faible service médical rendu) : l’occasion est trop belle pour la laisser passer.
Hervé Karleskind