Mortalité par accident vasculaire cérébral après cancer de l’enfant
Une étude menée par l’équipe de Florent de Vathaire (Directeur de Recherche Inserm, Centre de Recherche en Epidémiologie et Santé des Populations – Université Paris-Sud 11 – Institut de cancérologie Gustave Roussy) s’est intéressée à la relation entre la dose de rayonnements ionisants reçue au niveau du cerveau durant le traitement par radiothérapie d’un cancer de l’enfant et le risque à long terme de décès par pathologie cérébrovasculaire. Cette étude vient d’être publiée sur le site Internet de la revue BRAIN.
Cette étude a été basée sur le suivi à très long terme d’une cohorte d’environ 4200 personnes atteintes par un cancer dans l’enfance avant 1986 et ayant survécu au moins 5 ans après le traitement.
Après un suivi médian de 30 ans, 23 décès par accident vasculaire cérébral (AVC), hémorragique ou ischémique, ont été enregistrés. Les chercheurs ont estimé la dose de rayonnements reçue par le cerveau des malades sur onze points anatomiques distincts.
La dose de rayonnement reçue au niveau d’une zone située en avant du tronc cérébral (appelée citerne prépontique) semble jouer un rôle important sur le risque de décès par pathologies cérébrovasculaires. En effet, le risque lorsque cette zone est irradiée est supérieur à celui observé lorsqu’on fait la moyenne des doses de rayonnements reçues sur l’ensemble du cerveau ou lors d’une irradiation sur un autre site spécifique dans le cerveau. Le risque de décéder d’un accident vasculaire cérébral augmente linéairement avec la dose de rayonnements reçue, avec une augmentation de 22% pour chaque Gray additionnel reçu dans cette région cérébrale. Par rapport aux patients qui n’avaient pas reçu de radiothérapie ou qui avaient reçu moins de 0,1 Gy au niveau de cette région cérébrale, ceux qui avaient reçu plus de 50 Gray avaient un risque de décès par accident vasculaire cérébral près de 18 fois plus élevé. Aucun effet de la chimiothérapie n’a été observé.
Cette étude est la première à établir une relation entre la dose de rayonnements reçue au niveau d’une zone cérébrale particulière au cours de la radiothérapie pour un cancer de l’enfant et la mortalité cérébrovasculaire à long terme. Pourquoi l’irradiation de cette zone entraine t’elle de tels risques ?
La citerne prépontique est très proche d’une autre zone particulière (le polygone du Willis : cercle artériel situé à la base du cerveau). Ce dernier est un réseau qui assure toute la vascularisation cérébrale de la partie terminale du cerveau. Les dommages radio-induits au niveau des artères de ce réseau pourraient être à l’origine d’accidents vasculaires cérébraux a proximité ou à distance du siège du dommage initial.
« Le caractère linéaire de la relation, s’il est confirmé dans les prochaines études signifierait une augmentation de risque dès des doses modérées d’exposition, et pourrait avoir des conséquences importantes dans la planification des traitements radiothérapiques » estime Florent De Vathaire, directeur de recherche Inserm à l’Institut Gustave Roussy.
Par ailleurs, tous ces décès sauf 4, sont survenus plus de 20 ans après la radiothérapie. Les résultats confirment donc l’importance du suivi médical à très long terme des enfants guéris d’un cancer. Il faut également souligner que les traitements de radiothérapie ont évolué depuis les années 80 et tendent à mieux cibler la tumeur et protéger les tissus sains.
Source : Inserm
[1] Relationship between the brain radiation dose for the treatment of childhood cancer and the risk of long-term cerebrovascular mortality
Nadia Haddy; Abdeddahir Mousannif, Markhaba Tukenova; Catherine Guibout; Jacques Grill; Frédéric Dhermain; Hélène Pacquement; Odile Oberlin; Chiraz El-Fayech; Carole Rubino; Cécile Thomas-Teinturier; Marie Cécile Le-Deley; Mike Hawkins; Dave Winter; Jean Chavaudra; Ibrahima Diallo; Florent de Vathaire.
BRAIN (2011) http://dx.doi.org/10.1093/brain/awr071