Sarkozy et les médecins de ville : une relation… carbonisée ?
Deuxième leçon du cuisant échec des élections régionales : le changement de cap de la droite en direction des médecins généralistes. Auraient-ils voté à gauche pour signifier leur mécontentement, comme en 1997 ? Nicolas Sarkozy a annoncé qu’une « grande concertation » allait être engagée sur les difficultés de la médecine de proximité : la droite aurait-elle décidée de bichonner les médecins généralistes ? On notera qu’ils figurent en bonne place dans la première déclaration du chef de l’Etat après la défaite de la droite aux régionales.
Il y a du boulot ! « Je sais les difficultés auxquelles les médecins se trouvent confrontés, une grande concertation va s’engager pour déterminer comment ces difficultés peuvent être résolues de façon structurelle » a dit Nicolas Sarkozy avant d’ajouter : « Le temps n’est pas aux rustines en la matière ». De bonnes paroles qui laissent, pour l’heure, les syndicats de médecins pour le moins sceptiques. Qu’est-ce qui coince entre le pouvoir et les médecins ? Le catalogue du désamour est pour le moins fourni. Mais la revendication phare de tous les syndicats de médecins (tous unis, c’est suffisamment rare pour être remarqué…) c’est l’affaire du C à 23 euros. Ou C= Cs, depuis que la spécialité a été reconnue aux médecins généralistes. Promesse accordée en 2007 et… passée à la trappe. Sur fond d’élections professionnelles, le test crucial de représentativité pour les syndicats, l’heure n’est pas à la détente. Car la Sécurité sociale persiste à dire « non » au C à 23 euros, estimant que les résultats financiers n’autorisent pas une telle largesse, sur fond de déficits largement creusés par le chômage et donc la baisse de rentrée de cotisations. Bilan : les médecins sont furieux, au moins autant qu’en 1997, lors de la mise en place du Plan Juppé, et ce n’est pas peu dire.
Plusieurs syndicats, dont le principal syndicat de généralistes MG-France, ont mené un mouvement de grève le 11 mars et vont renouveler l’opération le 8 avril. Le principal syndicat de médecins libéraux, la CSMF, n’est pas en reste : son président, Michel Chassang, vient d’être réélu pour quatre ans à la tête de la Confédération. Conforté dans son action, il appelle donc les généralistes à facturer 23 euros la consultation à partir du 12 avril. Quelle sera la réponse de l’exécutif ? Nicolas Sarkozy avait déjà demandé au mois de janvier au président du Conseil national de l’ordre des médecins, Michel Legmann, de dresser un « état des lieux » de la médecine libérale et de lui faire des propositions pour la refonder. Les syndicats de médecins avaient alors parlé de « pansement sur une jambe de bois ».
Il y a donc du boulot entre la droite et les médecins de ville pour arriver à rétablir un semblant de confiance… Amertume, sentiments d’avoir été trahis, malmenés par la loi HPST, humiliés d’avoir été retoqués dans la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 -quelle splendide bourde politique et médicale !-, la liste des griefs est longue. Quand on songe que, voici seulement trois ans, Nicolas Sarkozy recueillait 75% des intentions de vote chez les médecins lors de l’élection présidentielle… Ils sont aujourd’hui 73% -presque le même chiffre, c’est dire !, à exprimer leur défiance en sanctionnant la politique du gouvernement. Un beau gâchis…
Hervé Karleskind